À Mwenga, la diplomatie de Doha fait vaciller la paix

Arnaud, Journaliste
7 May. 2025
Ce mardi en fin d’après-midi à Mwenga, dans le Sud-Kivu, les familles se sont rassemblées au coin des rues, inquietées par l’écho lointain des armes. Alors que des officiels congolais étaient enfermés dans une salle de conférence à Doha, une colonne du M23 avançait sans rencontrer de réelle résistance, privant plusieurs villages de toute sécurité immédiate.

Un décor en mutation

Dans la brousse alentour, les postes de contrôle gouvernementaux ont été désertés. Les soldats, loin d’assurer la surveillance promise, sont restés cantonnés après l’annonce du cessez-le-feu. Sur la piste de terre rouge, on aperçoit :

  • des charrettes abandonnées, témoins du départ précipité des paysans ;
  • des maisons barricadées, fenêtres closes, comme pour repousser l’inévitable ;
  • des motos à l’arrêt, laissées là car refusant de payer le passage.

Les négociations à Doha

À plusieurs milliers de kilomètres de là, à Doha, les délégations congolaise et rebelle se sont retrouvées sous l’égide d’un médiateur. Le but affiché : instaurer un cessez-le-feu durable et poser les bases d’un accord politique.

  • Kinshasa réaffirme vouloir « une issue pacifique » ;
  • le M23 affirme chercher à défendre les communautés de l’Ituri et du Nord-Kivu ;
  • aucun calendrier clair n’a toutefois été dévoilé.

Pour les habitants, ce grand barnum diplomatique ressemble de plus en plus à un écran de fumée : tant que les rebelles sont libres de bouger sur le terrain, la parole ne suffit pas à ramener la paix.

Ce que vivent les habitants

Sur place, les riverains racontent :

  • la coupure fréquente de l’électricité plombe les foyers ;
  • la pénurie de carburant rend impossible le transport des malades vers l’hôpital de Mwenga ;
  • les écoliers, au bord des routes, voient leurs classes écourtées faute de professeurs prêts à venir.

Les témoignages fusent, sans misérabilisme : « On fait avec ce qu’on a », se dit-on, mais la lassitude gagne.

Les enjeux pour Kinshasa

La capitale, contrainte par l’image et la diplomatie, ne peut officiellement pas rouvrir les hostilités sans fragiliser sa crédibilité sur la scène internationale.

  • L’État doit ménager ses alliances extérieures pour ne pas se retrouver isolé ;
  • toute reprise des combats risquerait un isolement politique et financier.

Pourtant, le temps presse : chaque jour où le M23 gagne du terrain, c’est un peu plus de terres agricoles et de villages qui tombent hors du contrôle de l’État, creusant le fossé entre les populations locales et les autorités.

Réactions au niveau local et international

– Plusieurs chefferies locales ont lancé des appels à l’aide, priant les ONG et les organisations humanitaires de renforcer leur présence.
– Des femmes leaders de Mwenga commencent à organiser des tournées d’information et de solidarité, distribuant vivres et médicaments.
– Des médecins et infirmiers, malgré le manque de matériel, sont restés sur place pour soigner les blessés, souvent transportés clandestinement à bord de motos.

À Kinshasa, quelques députés ont interpellé le gouvernement, évoquant un « piège diplomatique » : la République reste liée par ses propres engagements, tandis que la rébellion profite de chaque accalmie pour avancer.

Chiffres clés et réalités concrètes

  • 2 jours : délai écoulé depuis la reprise officielle des discussions à Doha.
  • Plusieurs dizaines de kilomètres carrés gagnés dans le Sud-Kivu par le M23.
  • 31 millions de dollars de pertes déclarées début mai par le ministère de l’Économie, signe que la crise militaire pèse aussi sur l’économie.

Un observateur de Bukavu résume : « On négocie loin d’ici, mais ce sont nos champs et nos écoles qu’on abandonne ».

La population, loin de désespérer, cherche ses propres solutions : des comités de vigilance s’organisent, des femmes prennent la parole à la radio locale, et des jeunes proposent d’accompagner les enfants vers l’école en groupes pour les protéger.

« Quand les grandes salles de Doha parleront demain, j’espère qu’on pensera à nous », lance Lucie, commerçante à Kirungu. Cette phrase résonne comme un appel concret, rappelant que la paix ne se décrète pas à des milliers de kilomètres, mais se gagne sur chaque bribe de terre et dans chaque rue de Mwenga.

0 Comments

Submit a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

  1. Accueil
  2. /
  3. Actus RDC
  4. /
  5. À Mwenga, la diplomatie de Doha fait vaciller la paix